L’accord sur le nucléaire iranien accélère le processus de négociations autour du dossier syrien : Rencontre tripartite entre Saoudiens, Américains et Russes, entretien énigmatique entre chef de l'appareil sécuritaire syrien et prince héritier saoudien, réunions entre Russes et oppositions syriennes fréquentables etc…etc...
Tout ce beau monde s'entend sur le fait qu'il faut faire des efforts ensemble, pour lutter contre l’EI, tout en promouvant le processus politique en Syrie.
Le président syrien serait d'accord avec l'organisation d'élections législatives anticipées, de parler avec l'opposition tolérée et de l’amener vers le processus électoral.
Ainsi, Moscou tente de diriger toutes les oppositions fréquentables à la table de négociation et d’unifier leurs positions pour qu’ils parlent d'une seule et unique voix au gouvernement syrien.
M. Khoja, chef de la Coalition Nationale Syrienne (opposition fréquentable), affirme que les Russes se rendent compte que Bachar el-Assad ne veut pas nécessairement négocier. Selon lui, la préservation de l'état syrien et son intégrité territoriale préoccupent davantage les Russes que la personne du président. M. Khoja exige le départ du président, qui selon lui, n'a plus aucun rôle à jouer à l'avenir.
Les autorités russes de répondre : qu’ils soutiendraient n’importe quelle décision du peuple syrien en ce qui concerne le destin d'Assad. Cependant, Moscou ne veut pas pour autant arrêter de soutenir le régime. Ils ne veulent pas qu’Assad subisse le même sort que Kadhafi ou Saddam Hussein. Ce serait désastreux pour la région comme ce fut le cas pour l’Irak et la Lybie. Ils veulent des garanties que tout sera entrepris pour que l'EI soit éliminé.
M. Manna chef du Comité de la conférence du Caire, un autre rassemblement d'opposants fréquentables, affirme : "Les Russes estiment que le plus urgent est la lutte contre l’État islamique mais nous estimons que pour gagner le combat contre Daech, il y a une condition préalable : un changement politique".
Les Kurdes, autre opposition fréquentable, ont établi une zone autonome dans le nord de la Syrie, au grand dam de la Turquie. Ils respectent un pacte de non-agression avec le régime syrien et tiennent mordicus à leur autonomie.
La diplomatie russe intègre parfaitement la locution latine : Qui veut la paix prépare la guerre. En effet, Moscou augmente ses livraisons d’armes et son aide en conseillers militaires à Damas et prône une coalition élargie comprenant notamment la Turquie, l'Irak l'Arabie saoudite, l’Iran, la Russie et les États-Unis de même que l'armée régulière syrienne, le but étant de lutter plus efficacement contre l‘EI en Syrie. Naturellement, Riyad refuse totalement d’y participer.
Malgré tout, Russes, Américains et Saoudiens semblent s'entendre sur l’urgence d'endiguer la menace de l'État islamique, à défaut de pouvoir l'annihiler dans l'immédiat et la nécessité de préserver les institutions syriennes dans un éventuel processus de transition du pouvoir.
Pour Riyad, le départ du président syrien n’est pas négociable. Du côté Américain, si le départ de Bachar el-Assad n'apparaît plus comme une priorité, il n'est pas pour autant question de coopérer officiellement avec Damas pour lutter contre Daech. Les Turcs exigent, le poing sur la table, le départ du président.
Après avoir soutenu l’YPG kurde dans son combat contre l'EI, Washington conclue maintenant une alliance avec la Turquie. Les Kurdes ont atteint la limite de ce qu'ils pouvaient faire en s'emparant de la quasi-totalité des territoires kurdes. Les Américains l’ont compris et ont décidé d’appuyer désormais la Turquie.
Washington s’appuie aussi sur l’Armée Syrienne Libre qui est surtout en formation en Turquie et en Jordanie. Elle n’arrive pas à être convaincante dans le nord et au sud elle n’arrive pas à sortir de la ville de Déraa.
Les Turcs tout en bombardant aujourd’hui l’EI, entre en guerre contre les Kurdes et aident ouvertement les rebelles sunnites comme le groupe Ahrar el-Cham qui combat Assad.
Ce groupe, proche des Frères musulmans, collabore militairement avec le Front al-Nosra et est présent principalement dans les provinces d’Alep et d’Idleb. Le Front Al Nosra a essayé d’infiltré le Liban mais le Hezb et l’armée syrienne l’en ont empêché, soutenu par l’armée libanaise.
Notons toutefois que Damas dépend davantage de Téhéran que de Moscou. Aucune négociation sérieuse ne peut se faire sans l'Iran. M. Assad entretient l'espoir plutôt irréaliste, de normaliser ses relations avec les puissances occidentales, et surtout l'espoir, plus réaliste, de voir son allié iranien accroître son soutien à son égard, fort de la manne financière qu'il va récupérer après la levée des sanctions.
Téhéran accentuera probablement son aide. Son principal intérêt étant de protéger le Hezbollah. Toute solution qui entraînerait une participation au pouvoir de l'opposition, mettrait en péril la relation que la Syrie entretient avec le Hezbollah, ce que l'Iran ne peut accepter. N’oublions pas que les armes du Hezb passent par la Syrie. Tout autre chemin est risqué, Israël étant sur le qui-vive.
M. Assad pour la première fois, a reconnu que son armée manquait de ressources humaines. Une façon d'adresser un SOS à son mentor iranien. Damas a besoin de combattants et il semble que Téhéran ait épuisé le réservoir de milices qui lui sont obligées et ne soit pas disposé à envoyer ses propres troupes aux combats.
De sorte que l’Iran voudra peut-être faire entériner de facto la partition du pays, avec un cessez-le-feu entre les différents belligérants. Téhéran se satisferait d'une division de la Syrie mais Assad continue de s'y opposer. Il croit qu'il finira par récupérer tout le territoire syrien.
Les Iraniens essayent de convaincre les Américains que le président syrien est un atout de taille pour combattre l'EI et qu'en cas de victoires rebelles, ce qui reste de l'état syrien s'effondrera. Beaucoup d'officiels américains sont d’ailleurs d'accord avec cette thèse, sans parler d'Israël et même de l'Arabie saoudite qui, bien que contribuant à la lutte contre le régime, redoutent les conséquences de l'après-Assad.
Ils ont pour l'instant intérêt à voir Assad largement affaibli mais pas complètement détruit. Quoiqu’Israël aimerait bien se débarrasser d’Assad, ce qui lui permettrait de souffler par rapport au Hezbollah. Ce que Tel-Aviv craint tout comme la Russie et bons nombres de pays, c’est la déstabilisation violente qui suivrait le départ du Lion (Assad). Cette violence serait encore plus grande que celle qu’on connaît aujourd’hui.
L’Iran se positionne comme intermédiaire entre la Syrie et les États-Unis, rôle occupé jusqu’à maintenant par la Russie. Téhéran essaye vivement de faire comprendre aux Américains qu'aucune solution politique n'est envisageable.
Malgré le fait que la coalition ne bombarde pas les positions du régime et malgré une probable coordination militaire entre Damas et Washington, nécessaire pour éviter tout accident entre les avions du régime et ceux de la coalition, les Américains ne semblent pas prêts à normaliser leurs relations avec Damas. Au moment de la prise de Palmyre, ils auraient pu intervenir mais ils ont préféré laisser les djihadistes s'emparer de la ville, plutôt que de donner l'impression d'aider le régime.
Les Saoudiens, en realpolitik, cherchent un moyen de rapprochement avec l'Iran. Il paraît que la Tunisie ouvrirait d’ici quelques temps ses canaux diplomatiques avec la Syrie et que l'Égypte suivrait. Même l'Arabie saoudite pourrait être tentée d'avoir un pied-à-terre en Syrie tout en continuant de financer les rebelles contre Assad.
À défaut de trouver un règlement de crise, c'est la question d'une future partition de la Syrie qui pourrait être le principal objet de discussion entre les négociateurs. Mais là encore, malgré le fait que la partition existe de facto, il sera difficile de s'entendre sur un compromis général.
Les belligérants sur le terrain n'en gardent pas moins leur propre agenda. Accepteront-ils un processus de paix venu de l'extérieur ?
La marge de manœuvre des nombreux acteurs est extrêmement limitée. À suivre…
Sources:
Syria in Crisis : site Interne : With Friends Like These: Russia's Limited Leverage in Syria.
I24news : Opposition syrienne: la Russie n'est pas attachée à la personne d'Assad, 14/08/15
L’Orient le Jour : Des soldats russes participeraient aux combats en Syrie, 09/09/15
L’Orient le Jour : Pour le maître du Kremlin, Assad est prêt pour des législatives anticipées, 09/09/2015
L’Orient le Jour : La Russie affirme n'avoir jamais caché son soutien militaire à la Syrie, 09/09/2015
L’Orient le Jour : En Syrie, Poutine n’a pas le choix, 09/09/2015
L’Orient le Jour : Syrie : négocier quoi et avec qui ?, 09/09/2015
L’Orient le Jour : Et les nouveaux alliés des Américains en Syrie sont...09/09/15
L’Orient le Jour : Après l’accord sur le nucléaire, l’Iran en – relative – position de force en Syrie 09/09/15