Aujourd'hui :
2011
Dans la foulée du printemps arabe, une ville du Sud, Deraa, descend dans la rue. Les grandes manifestations monstres et pacifiques, rejoignent comme une traînée de poudre, les autres municipalités, du Sud au Nord du pays et de l'Ouest à l'Est. Toute la Syrie en son entier descend dans la rue en scandant : « Pour une Syrie sans tyrannie », du jamais vu. On en parle partout sur la planète. Fin mars, le premier ministre est remplacé. En avril, 230 démissions au gouvernement.
À Damas, suivi par d'autres villes méditerranéennes, d'autres Syriens descendent eux aussi dans la rue, en aussi grand nombre, parfois plus. Ils affirment tous, leur entière loyauté au régime baasiste, le clan Assad (de père en fils), dirigé par le président Bachar el-Assad. Un régime musclé, autoritaire, parfois doux de façade; la torture, les meurtres et règlements de compte sont monnaie courante. La réputation du régime n'est plus à faire. Elle est mondialement connue et depuis longtemps. Mais Assad défend les Chiites, les Chrétiens et les Druzes. Il représente aussi la stabilité.
Les manifestations monstres pro-régime ne seront jamais montrées dans les médias occidentaux. On n'en a que pour les anti-régime.
Le 15 mars 2011, tout bascule. " l’avenir n’est plus ce qu’il était ". Les « moukhabarats » (police secrète), en fait de sales brutes de mentalité mafieuse, les « moukhabarats », dis-je, tirent du haut des immeubles ou derrière des bosquets. Ils tirent sur les manifestants anti-régime, sur la foule, sur les jeunes, sur les hommes, sur les femmes. Ils tirent pour tuer. Ils le font. Ils tuent... 600 morts... des milliers de blessés... 8.000 arrestations...
M. Poutine lui-même dira que ce n'était pas la trouvaille du siècle. On appelle ça, la répression sanglante du régime. Et le président se présente à la télévision. Il en a un sourire. C'est mal perçu par beaucoup de gens, beaucoup.
Ainsi naissent les prémisses de la guerre civile. Aux pacifistes démocrates, se joignent des groupes qui ne se contentent pas d'avoir le doigt sur la gachette. Ils répondent du tac au tac, illico. Ils tirent, eux aussi pour tuer. Leur passe-temps favori : Tuer les « moukhabarats ».
Homs, la première ville où l'escouade anti-émeute fuit. Du jamais vu. Ils se replient en courant, essoufflés, à toutes jambes, comme si leur vie en dépendait. À la fin de la journée, sera filmé sur le pont, des individus armés, jetant un par un dans le fleuve, des corps d'anti-émeute et de « moukhabarats » fortement ensanglantés, un camion plein. Les corps flottent tout en suivant le courant. Le message passe.
Ahrar al-Sham Alors comme pour essayer d'arrêter l'escalade, le 31 mai, Assad proclame l'amnistie présidentielle. Il vide ses prisons (son côté doux de façade), des milliers de prisonniers dont des membres des Frères musulmans et autres opposants islamistes sont libérés. Cela crée le noyau central d'Ahrar al-Sham.
D'après Poutine, ce n'était pas extraordinaire non plus, comme décision. Certains pensent qu'Assad l'a fait en toute connaissance de cause. Il savait qu'il alimenterait ainsi la radicalisation de la rébellion et que ça finirait par donner un coup fatidique aux démocrates.
Des islamistes s'activent dès le début des violences. Cela s'explique par la place importante que tient le pays de « Sham » (la grande Syrie) dans l'«eschatologie islamique», qui prévoit une bataille épique entre le Mahdi les vrais musulmans, contre le faux Mahdi les faux musulmans venus de Khrassan, une région de l'Iran (Sunnites versus Chiites). Assad est Chiite. C’est pourquoi, certains Saoudiens (Sunnites) rejoignent la Syrie et s’engagent dans la brigade Ahrar al-Sham (3e force rebelle du pays, après l’État islamique et Al Nosra).
Les milliers de prisonniers libérés rejoignent la rébellion. Il la radicalise et l'islamise. Tout bascule, des quartiers, des villes, des régions, certaines provinces passent à l’insurrection. Déjà beaucoup d’étrangers affluent pour renforcer la rébellion, en forte progression.
La ville de Deraa, sous le contrôle total de l’insurrection, l'Armée Syrienne Libre (démocrate), est attaquée sans succès par l’armée d’Assad.
En juin, un bon nombre de soldats sont tués par des groupes bien armés et bien entraînés. En juillet, naît l'Armée Syrienne Libre, mouvement rebelle pro-démocratique (4e force rebelle). En octobre, de vastes pans de l’armée, en très grande majorité sunnites, passent à l’insurrection et rejoignent l'ASL.
Le régime secoué, le souffle coupé, tremble, vacille, penche la tête, porte un genoux à terre, puis, essoufflé, prend une grande respiration, se ressaisit, le regard vif, se redresse, se relève, parvient à gonfler le buste, les deux pieds bien campés, solide comme un roc, il reprend les armes et frappent de nouveau, toujours plus fort.
C'est en 2011 qu'est né le Front al Nosra filiale d’al-Qaïda.
2012
L'année commence avec 9.000 morts. Al-Nosra enregistre l'arrivée de plusieurs centaines de combattants étrangers, notamment en provenance d'Irak.
En mars, l’armée tire sur les quartiers rebelles. Mai, juin, juillet, 3 massacres de l’armée dans trois villes insurrectionnelles. Alors, l’ONU qualifie juridiquement le conflit de guerre civile.
En 2012, il y aura 3 Premier Ministre différents dont un, Riad Hijab sera Premier Ministre du 6 juin au 6 août, il fait défection et rejoint la direction de la rébellion modérée contrôlée par l'Arabie saoudite. On peut se poser des questions sur la modération d'une rébellion contrôlée par Ryad. Depuis août 2012 jusqu'à aujourd'hui Wael al-Halki est et restera Premier Ministre du pays.
De l'été à l'automne, al Nosra se renforce, multiplication des combats et des massacres. al Nosra, filiale d'al Qaïda, coupe des têtes. C’était quoi donc déjà le slogan du début des manifestations pacifiques ? Ah oui ! « pour une Syrie sans tyrannie ». Novembre 2012, les rebelles font des gains importants dans le Nord.
Lorsque l'année 2012 s'achève, l'on compte maintenant depuis le 15 mars 2011 : 60.000 morts.
Et ça continue...
Suite prochain article….