L'Ukraine doit être moins intransigeante
- Par rousseau-philippe
- Le 14/02/2022
- Dans International
Le gouvernement ukrainien considère les Accords de Minsk comme un moyen de réunifier l'Ukraine, en restaurant pleinement sa souveraineté sur les régions russophones de Lougansk et Donetsk dans le Donbass, tout en leur accordant quelques pouvoirs; pendant que le Kremlin estime que les mêmes Accords consacrent un statut spécial aligné sur la Russie pour les régions de Lougansk et de Donetsk.
Ce statut spécial pour le Donbass semble être une divergence irréconciliable entre la partie ukrainienne et la partie russe. La Russie exige que les autorités ukrainiennes accordent une autonomie ou un statut social très étendu aux deux régions du Donbass, qui seraient ensuite incorporées constitutionnellement à l'Ukraine; mais seraient dans les faits, selon les Ukrainiens, un cheval de Troie contrôlé par la Russie au sein du système politique ukrainien. La Russie serait ainsi en mesure de contrôler l'Ukraine de l'intérieur.
N'oublions pas cependant que le Donbass est majoritairement de langue russe. Il est donc normal pour la Russie d'intervenir. Du côté ukrainien, on joue la ligne dure. Le ministre ukrainien des Affaires étrangères insiste sur trois lignes rouges : aucun compromis sur l’intégrité territoriale de l’Ukraine, pas de négociations directes avec les séparatistes prorusses dans l’est du pays et pas d’ingérence dans sa politique étrangère.
La France et l'Allemagne ont joué un rôle clé dans la négociation des Accords de Minsk. Ils ont aidé à réduire les malentendus et à établir des relations entre Kiev et Moscou. Le président français Emmanuel Macron tente d'ailleurs de redonner vie au processus des Accords de Minsk, pour empêcher une guerre entre la Russie et l'Ukraine. Il est en contact avec les présidents Biden, Poutine et Zelenski. Cependant jusqu'à maintenant, ses efforts semblent vains. Selon les autorités ukrainiennes, une grande majorité d'Ukrainiens semblent s'opposer au statut spécial du Donbass et tout dirigeant ukrainien, qui semble même ouvert à la négociation sur le statut spécial, se heurterait à une intense opposition nationale et pourrait même être chassé du pouvoir. C'est ce que véhicule les autorités ukrainiennes.
La Russie a avancé des propositions dont certaines ont été un peu trop légèrement rejetées par les Occidentaux en décembre dernier. En effet, il a été jugé inacceptable par les Occidentaux de fermer la porte à une éventuelle adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, de renoncer à créer des bases ou à déployer des armes dans les pays ayant adhéré à l’Alliance depuis 1997 et de cesser les activités militaires à proximité immédiate des frontières russes. Pourtant, aucune de ces propositions ne met en jeu les intérêts vitaux des pays occidentaux ou l’existence même de l’OTAN. En fait, il n’y a rien dans les propositions russes qui ne soit pas négociable.
Macron reconnaît qu’il est légitime que la Russie pose la question de sa propre sécurité. À partir de là, il faut répondre à ses demandes. L’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN est le cœur du litige : la ligne rouge de Poutine. Macron a dit qu’il fallait inventer une solution nouvelle pour l’Ukraine et n’a pas caché qu’elle pourrait prendre la forme d’une finlandisation du pays. Ce statut permettrait à l’Ukraine de se maintenir, à condition que sa politique étrangère respecte une stricte neutralité. Le Chancelier allemand, tout comme le président français, utilise tous ses contacts pour promouvoir le dialogue.
Sur la question du déploiement de matériel et de bases militaires sur le territoire des nouveaux membres de l’OTAN depuis 1997 et des États hors OTAN, les États-Unis et les Européens sont ouverts à entreprendre des négociations visant à un contrôle des armes conventionnelles dans le centre de l’Europe. Russes et Occidentaux pourraient ainsi moderniser l’actuel traité sur les forces conventionnelles en Europe signé en 1990, mais franchement moribond. Enfin puisque les armées, qu’elles soient russes ou occidentales, ont besoin de procéder à des exercices militaires pour évaluer leur propre performance, rien n’empêche d’astreindre ces exercices à un rigoureux encadrement.
Moscou et Kiev se sont montrés très intéressés par les propositions occidentales, dont nous ne connaissons pas tous les détails. Poutine a accueilli positivement certaines idées avancées par Macron tout en ne lâchant rien sur l’essentiel, c’est-à-dire l’OTAN. Pour sa part, son homologue ukrainien, Volodymyr Zelenski, a parlé de l’organisation d’un sommet entre les trois présidents d’ici peu, pour faire le point sur la situation.
Quant au conflit interne entre Kiev et les rebelles prorusses, les Occidentaux font maintenant bloc sur la nécessité de la mise en œuvre des accords de Minsk de 2015, qui prévoient entre autres une certaine autonomie pour les régions russophones. Or, le gouvernement ukrainien ne cesse de créer des obstacles à son application.
Les propositions mises de l’avant par les Occidentaux pour répondre aux demandes russes et leur pression sur Kiev pour engager sérieusement la négociation sur Minsk, risquent de déclencher un vif débat au sein du gouvernement ukrainien entre les tenants de la ligne dure et ceux qui sont conscients que c’est bien l’Ukraine, enjeu de tension Est-Ouest, qui devra céder sur de nombreux points.
Pendant ce temps, les États-Unis rapatrient leurs 160 soldats qui entrainaient l'armée ukrainienne, pour les repositionner ailleurs en Europe. Le Canada fait de même. Le département d’État américain a aussi ordonné le départ de la majorité de ses employés de l’ambassade de Kiev. Pour gérer les problèmes urgents, l’ambassade maintiendra une petite présence consulaire à Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine, près de la Pologne. Les ressortissants américains sont priés de quitter le pays et doivent être conscients, que le gouvernement des États-Unis ne sera pas en mesure de les évacuer, en cas d’offensive russe. Car la rétorque américaine ne sera pas militaire, mais économique.
Après tout, pour reprendre ce que Macron disait au sujet du futur statut international de l’Ukraine, la solution ne peut venir que des Ukrainiens. En fait, Ils n'ont pas le choix. Ils doivent avoir une ouverture d'esprit. De toute façon, le débat entre les tenants de la ligne dure et ceux qui sont conscients que c'est bien l'Ukraine qui devra céder sur de nombreux points, aura lieu dans tous les scénarios.
Mise à jour du 15 février 2022 :
La Russie replie certaines troupes.
Par contre le parlement russe appelle Poutine à reconnaitre les républiques de Donetsk et de Lougansk, pendant que le chancelier allemand rencontre le président Poutine.
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