Ukraine, essai géo-économique

Pour la première fois, depuis l’effondrement de l’URSS, une crise majeure très importante secoue l’arrière-cour de l’Union européenne qui se trouve malencontreusement aussi l’avant-cour de la Russie : L’Ukraine.

Pays industrialisé, libre marché émergeant, une agriculture au grand potentiel, l'Ukraine, deuxième pays d'Europe par sa superficie, l’un des plus peuplés du continent (45 millions), joue un rôle prépondérant dans la distribution gazière européenne, arrivant de Russie. Ce pays en est son principal partenaire économique. Kiev s'efforce toutefois de se tourner vers l'Union européenne.

L'Ukrainien en est la langue principale mais le Russe domine à l'est et la plupart des Ukrainiens le parlent ou le comprennent. Son potentiel économique est très puissant. Entre son indépendance et la révolution orange, son PIB augmentait, dans les deux chiffres par année, malgré sa presque faillite récente.

La Russie considère l'Ukraine comme faisant partie de sa zone d'influence puisqu’elle en est son principal partenaire économique. Ce qui n'est pas faux. L'Occident considère la même option, puisque le choix de la majorité de la population ukrainienne semble le choisir. Ce qui n'est pas faux non plus.

Par contre, la Russie, étant la deuxième puissance militaire de la planète, son arsenal nucléaire dissuade toute velléité de guerre, entre elle et l’Occident. Sans compter que l’opinion publique occidentale est incapable d’accepter de nos jours, de grandes pertes en vies humaines de la part des siens, pour un tel conflit.

Après s'être entre-tués (malheureusement), les pro-russes et les pro-européens devront inévitablement régler en table de concertation, en tenant compte des forces et des atouts de chacun. La solution existe, sans aucun doute le fédéralisme à la canadienne, n'en déplaisent aux Occidentaux.

L’Union européenne des Quinze n’a forcé aucune des 13  républiques des pays de l’ex-bloc de l’Est à la rejoindre. Qu'en reste-t-il de cet ex-bloc de l’Est ? Coté occidental, l’Ukraine, la Biélorussie et la Russie, coté Caucase et Asie centrale, Azerbaïdjan, Arménie, Kazakhstan, Kirghizstan… 

La Russie elle-même, aspire à se rapprocher du grand ensemble européen, voir occidental, ce qui sous-entend les États-Unis. Seulement, on voit bien qu’il y a un problème de leadership. Ni l’Europe, ni les États-Unis, ne veulent le partager  avec elle. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle se joue ce bras de fer. L’Ukraine, reliquat de l’éclatement du bloc de l’Est n’aurait  jamais été ébranlée territorialement sans cette crise (Crimée).

Les Russes font maintenant partie intégrante du giron capitaliste. Ils étaient les décideurs d'un autre système. Ils ne veulent pas suivre mais faire partie des décideurs. Une assimilation par l’Occident est toujours possible tant les points de convergence sont nombreux. L'Ukraine occidentalisé deviendrait alors un talon d’Achille pour eux. Le capitalisme russe est moins effréné qu'en Occident et ils ne veulent pas en perdre le contrôle chez eux au profit des Occidentaux. Les oligarques deviendraient moins riches.

Cependant, l'Occident ne peut outre-passer ses valeurs démocratiques et humanistes. Il ne peut tolérer la dictature, ni la torture dans les prisons entre autre, ni le soutien à certains régimes comme la Tchétchénie, la Syrie ou  l'Iran. Il soutient également l'égalité entre femmes et hommes, de même qu'entre homosexuels et hétérosexuels.

Ces mêmes Occidentaux sont habitués d'être les décideurs et ne font jamais  de concession à qui que ce soit, sauf à ceux qui sont aussi forts qu'eux. Leur survie en tant que capitalistes dépend essentiellement du capitalisme effréné : production, production, production, profits, profits, profits... augmentation du niveau de vie...Cependant la fin du procédé ne peut être que cataclysmique. Exploitation à outrance en spirale, en dernier lieu : il ne reste plus rien, c’est la catastrophe inévitable à moins que l'on en contrôle un peu mieux le tir.

Le communisme s'est effondré, étant incapable d'être compétitif, face à des compagnies privées habituées de vivre dans un tel système. Le fait d'être trop rigide du point de vue liberté individuelle a certainement joué également.

En fait, ce qui a sauvé le capitalisme occidental de l'effondrement, c’est sa grande capacité de faire entrer dans son système de production effrénée qu'on appelle aussi libre marché, de plus en plus de pays, en commençant par la Corée du Sud, dans les années soixante-dix. Le niveau de vie de ce pays augmentant de façon fulgurante, il en fut plus aisé d'intégrer d'autres grands joueurs comme la Chine, puis tout récemment, l'Inde qui en est encore à ses balbutiements, en la matière. En fait, la première réussite du capitalisme effréné fut certainement le Japon, après la deuxième guerre mondiale. 

Le conflit ukrainien se situe dans une optique où l'ordre économique mondial est en train tranquillement de changer de mains. De l'Occident, qui en fut depuis longtemps le principal dépositaire, l'ordre économique a tendance depuis plusieurs décennies à se déplacer subrepticement vers l'Asie.

En ce moment, la Russie et la Chine jouent le rôle de contre-pouvoir face à l'Occident. Bientôt l'Inde y sera. Et l’Occident se sent dépassé par ces deux mastodontes que sont l'Inde et la Chine. En plus de l'argent, ils ont le nombre, nouvelle donnée non négligeable.

Je soupçonne l’Occident de ne pas s’arrêter à l’Ukraine et aux autres pays de l’ex-bloc de l’Est. Il voudra contrôler également le système économique russe pour faire contrepoids aux deux mastodontes. M. Poutine ne sera pas au pouvoir éternèllement. Les Occidentaux essayeront certainement dans un avenir pas si lointain de soutenir un parti ou un candidat pro-occidental à la présidence russe.

Le monde se dirige sensiblement vers un nouvel ordre mondial. Et si l’Occident entend prendre les devants, il sait aussi que sa puissance monétaire atteindra ses limites dans un avenir rapproché. L’Asie tôt ou tard s’emparera de la force de l’argent. Et dès lors, les politiques monétaires expansionnistes de l’Occident autant à l’Est qu’à l’Ouest en seront neutralisées.

D’ici là, la Russie lutte pour sa zone d’influence. Elle  minimise les pots cassés et reprend de la force, surtout depuis la guerre en Géorgie. Elle essaye de conserver sa place (Syrie, Iran) en faisant partie également de l’association BRICS. Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud.  Sa zone d’influence lui assurera son avenir quoi qu’il arrive.

La Chine est de plus en plus présente sur la scène internationale, même si elle se cache  plus souvent qu’autrement derrière les Russes. En même temps, très liée économiquement avec les États-Unis, elle en finance le gouvernement par les certificats de dépôts, 300 milliards $. Elle produit énormément pour eux et la planète entière. C’est l’usine planétaire. Elle est déjà dans la spirale effrénée du capitalisme à l’occidentale. Mais, elle semble de plus en plus contrôler sa propre économie et devenir  une puissance militaire. Son pouvoir décisionnel ne peut qu'aller en augmentant. En fait, elle est déjà la première puissance mondiale. Prudente, elle avance lentement mais sûrement.

L'Inde puissance régionale, est en devenir, surtout après l'élection qui a mis au pouvoir un parti foncièrement capitaliste qui promet l'augmentation du niveau de vie de l'ensemble de sa population.

L’Occident joue-t-il la bonne carte face à la Russie? S’il acceptait de partager le pouvoir avec elle, se mettrait-il en meilleure position ou réussira-t-il à gober l’économie russe? Cherche-t-il vraiment à pousser d'avantage Moscou vers Pékin et New Dehli avec lesquels les Russes ont déjà ouvert le dialogue? 

 

 Ukraine 01

 

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