Ukraine : L'OTAN doit faire des concessions à la Russie

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La crispation actuelle de la Russie est en réaction directe au soutien de l’Occident aux forces ukrainiennes, qui combattent les souverainistes soutenus par la Russie dans les régions de Donetsk et de Louhansk dans le Donbass, contrées majoritairement de langue russe. Il est facile de comprendre qu'il est normal pour la Russie d'intervenir. 

Pour résoudre le problème, il faut aller au-delà de la proposition ukrainienne, d’une demie-autonomie temporaire pour les régions souverainistes. Il faut en fait, leur accorder une autonomie complète en échange d’un accord de paix et du retrait des troupes russes et ukrainiennes des zones conflictuelles. Amener l’Ukraine à concéder un statut spécial au Donbass, est l'un des points qui évitera l'intensification du conflit. 

Sortir de cette crise, suppose de faire marche arrière et d'accepter une issue légale pour le Donbass. Pour cela, il faut faire pression sur l’Ukraine pour qu’elle mette en œuvre les réformes constitutionnelles nécessaires pour accorder l'autonomie et l'armistice aux républiques du Donbass. Ces républiques souverainistes bénéficient d’un soutien important de la part de la population locale et sont soutenues par une grande puissance. Elles comptent des milliers de soldats, qui sont plus déterminés à se battre – et à mourir – que ceux de l’OTAN. 

L'OTAN

Pour ceux qui pensent que l'OTAN est une alliance défensive, Poutine leur répond que l'OTAN a déjà fait des interventions offensives au Kosovo et en Libye et qu'elle s'expand en Europe de l’Est. Pour la Russie, le simple soutien des États-Unis à l’Ukraine équivaut à une intégration de facto de l’Ukraine à l’OTAN. L’insistance de l’Ukraine à vouloir rejoindre l’organisation et le soutien ferme de l’OTAN à sa politique de la porte ouverte, sont au cœur des griefs de la Russie contre l'Occident. Le Kremlin ne permettra jamais à l’Ukraine de réaliser son ambition d’adhérer à l’OTAN, et l’OTAN ne se battra jamais pour aider l’Ukraine à le faire. Les membres de l’OTAN sont divisés quant à l’intégration de l’Ukraine dans l’Alliance, ce qui rend son adhésion hautement improbable. La France et l'Allemagne ont toujours affirmé qu'ils sont hostiles à l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN. Il ne s’agira donc pas d’une perte stratégique importante, puisque l’OTAN n’a de toute façon aucune intention d’accepter l'Ukraine. 

La Russie quant à elle, ne peut faire marche arrière, car sa crédibilité est en jeu. Multiplier les incursions de l'OTAN en mer Noire, augmenter les armes de l'armée ukrainienne, ne fait que conforter la Russie dans sa conviction, qu’il est impossible d'atteindre ses objectifs par la diplomatie, et qu'elle ne peut les atteindre que par la voie militaire. Si l’Ukraine obtient des armes qui peuvent modifier l’équilibre des forces, une attaque militaire russe pour alléger les coûts, devient rationnelle. Plus la Russie attend pour arrêter par la force la progression de l’OTAN en Ukraine, plus les coûts d’une intervention militaire seront élevés. C’est pourquoi l’augmentation de transferts d’armes occidentales vers l’Ukraine, comme le fait la Grande-Bretagne et les États-Unis, est un jeu dangereux! 

Sanctions

En cas d'offensive russe, l’Allemagne pourrait suspendre la certification de Nord Stream 2 (NS2), pipeline déjà terminé au coût de 8 milliards d'euros. Mais Berlin a besoin du gaz naturel russe pour sa transition énergétique du nucléaire et du charbon au gaz naturel, moins polluant. Le gouvernement allemand déclare que NS2 est sur la table en fonction de l’escalade de la crise ukrainienne, mais pour autant Berlin n’envoie pas d'armes en Ukraine. La Russie pour sa part, achète la technologie allemande, de sorte que l'échange commercial russo-allemand est fort profitable pour les deux économies. C'est sans compter que l’Union européenne est fortement dépendante de la Russie pour ses importations énergétiques : 41% de son gaz naturel, 27% de son pétrole et 47% de ses combustibles fossiles solides. On comprend que NS2 est une question controversée et nombreux sont ceux qui hésitent à politiser le pipeline.  

Les États-Unis pourraient imposer davantage de sanctions aux oligarques russes et interdire l’accès à la Russie aux technologies de fabrication américaine. Toutes les institutions financières russes pourraient être interdites du système bancaire SWIFT. La mise en œuvre de ces mesures doit se faire uniquement en cas d’échec à arrêter une intervention militaire russe, puisque le recours à l’une de ces mesures avant l'attaque russe, risquerait plutôt de la précipiter. 

Il faut considérer de toute façon, que les intérêts des pays occidentaux ne vont pas dans le sens des conséquences résultant de l’imposition de sévères sanctions contre la Russie; car la Maison Blanche veut que le Kremlin maintienne une certaine ambiguïté stratégique entre Washington et Pékin, et non pas qu’il s’aligne totalement sur son rival. Cela se produira inévitablement si les institutions financières russes sont bannies du système bancaire SWIFT. La Russie a déjà son propre système bancaire, pour compenser.  

En fin de compte, le principal moteur de la conflictualité russo-occidentale est l’Ukraine. Le désir de Kiev d’intégrer l’OTAN s’oppose frontalement à la conception de la sécurité nationale russe. La Russie est prête à se battre pour sécuriser ses intérêts, tout comme l'est l'Ukraine. Mais, Kiev n’a aucune chance réelle de l’emporter sans soutien occidental. Or, l’Alliance atlantique manque de cohésion pour consentir aux coûts associés à un réel soutien à l’Ukraine et le demi-soutien actuel est insuffisant pour dissuader la Russie et encourage plutôt une intervention armée russe pour arrêter la modernisation militaire de l’Ukraine.  

Solution

La contrepartie à la solution militaire, consisterait à déclarer un moratoire sur toutes les nouvelles adhésions à l'OTAN et faire pression sur l’Ukraine, pour qu’elle applique l’accord de cessez-le-feu Minsk II, signé en 2015. La pression pourrait alors diminuer sensiblement, surtout si la réponse écrite attendue des États-Unis, allait au-delà des mesures de réduction des risques liés aux exercices militaires et au contrôle des armements. Des concessions sur les déploiements de missiles ou les manœuvres en Europe, ne suffiront pas à empêcher la Russie d’attaquer l’Ukraine pour défendre le Donbass et régler le problème une fois pour toutes! 

Intervention militaire 

Une intervention militaire russe – si elle doit avoir lieu – se déroulera très probablement après le 20 février, date de la fin de l'exercice militaire russo-biélorusse et des Jeux Olympiques en Chine.

Texte fortement inspiré de "Ukraine : Pourquoi l’OTAN doit faire des concessions" par Rémy Carugati du "Réseau d'analyse stratégique" (Montréal, Québec, Canada).

 

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