28 octobre 1962 : Fin de la crise des missiles de Cuba

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Dans un monde bipolaire, Capitalisme versus Communisme, l’odeur de la guerre nucléaire se dissipe enfin! 

Les États-Unis, qui ont participé à l'indépendance de Cuba contre l'Espagne en 1898, ont conservé un contrôle indirect sur l’île jusqu'à la révolution castriste de 1959. Celle-ci renversa le régime mafieux de Batista et une réforme agraire chassa plusieurs compagnies américaines de l’île. En 1961, des saisies sans dédommagements de propriétés privées appartenant à des sociétés américaines, causent la rupture des relations diplomatiques entre les États-Unis et Cuba. Le Communisme est naissant à Cuba et est à 140 KM des côtes de la Floride. Depuis le début du XXe siècle, le Communisme prend tranquillement de l’expansion. En parallèle, une course aux armements nucléaires s’accélère entre les États-Unis et l’URRS.

Du 16 au 20 avril 1961 : Débarquement anticastriste à la baie des Cochons à Cuba, financé par Washington et mâté par l’armée cubaine dirigée par Fidèle Castro. Le 1er mai 1961, Che Guevara proclame le caractère socialiste de la révolution cubaine. Novembre 1961, 15 missiles nucléaires américains sont installés en Turquie, 30 en Italie, pointés sur l’URSS et le bloc de l’Est. Ces missiles peuvent frapper Moscou en 16 minutes. Ils procurent aux États-Unis une capacité importante de 1ère frappe et déstabilisent ainsi l'équilibre de la terreur en faveur des États-Unis. 

 

14 février 1962, Cuba est exclu de l'Organisation des États Américains (OEA). Mai 1962, Nikita Khrouchtchev prend la décision d’envoyer 50 000 soldats, 36 missiles nucléaires SS-4 et 2 SS-5, ainsi que 4 sous-marins à Cuba pour empêcher les États-Unis d'envahir l'île. Le public n’est pas au courant, mais la CIA l’est. Le KGB (service de renseignement russe) est au courant que des manœuvres militaires maritimes américaines sont prévues pour l'automne 1962, destinées à renverser ‘un tyran nommé Ortsac' (Castro à l'envers). 

 

Le 2 septembre, l’URSS renforce son aide civile à Cuba. Le 13, Washington met en garde Moscou contre l'installation de missiles sur l’île1er et 2 octobre 1962, 4 sous-marins russes quittent l’URSS pour Cuba. Chacun est équipé entr’autre d'une torpille à tête nucléaire, d'une puissance de 11 Kt. La nature nucléaire de ces torpilles ne fut révélée qu'en 2001. Ils rejoignent le convoi de cargos soviétiques faisant route pour Cuba, avec à leur bord des missiles nucléaires destinés à compléter le dispositif déjà mis en place sur l'île. La mission des sous-marins : protéger le convoi, si besoin au prix de torpiller les navires qui tenteront de s'interposer. L’Union soviétique installe en secret des rampes de lancement de missiles nucléaires à moyenne portée à Cuba, à quelques minutes de certaines grandes villes américaines.

Le 14 octobre, au plus fort de la guerre froide entre les États-Unis et l’URSS, la crise commence. Jamais la planète ne passera aussi près d’une guerre nucléaire. Ce jour-là, des clichés sont pris par un avion-espion U2 américain, dévoilant une base de missiles soviétiques en construction à Cuba. On ne sait pas si les bombes nucléaires sont déjà sur place. Des rampes de lancement, missiles, bombardiers, fusées et conseillers soviétiques sont repérés sur l’île. On identifie 26 navires soviétiques en route vers l'île.

Le président américain John F. Kennedy en est informé le 16. Il convoque immédiatement son ‘Conseil de sécurité National’. Ses conseillers et lui, passent la semaine à étudier en secret leurs options. L’armée lui conseille d’entamer des frappes aériennes sur les bases de missiles, mais il choisit plutôt de mettre en place un embargo naval de l’île cubaine. Il envisageait aussi d'approcher Khrouchtchev par voie diplomatique, mais il a considéré que ce serait perçu comme une faiblesse.

21 octobre, un navire ravitailleur américain appareille. Il approvisionne de 100 bombes nucléaires supplémentaires un porte-avions, qui en possède déjà 100. Les officiers de l'US Navy pensent qu'ils sont en préparation d’une attaque à grande échelle. 22 octobre, une heure avant le discours public de Kennedy, le KGB informe Khrouchtchev que Kennedy s’adressera dans une heure à la nation américaine. Le KGB ne connaît pas le contenu du discours. Khrouchtchev et ses conseillers craignent une invasion de Cuba. Donc juste avant le discours, Khrouchtchev donne le OK aux commandants russes à Cuba, d'utiliser toutes les armes possibles en réponse à une attaque américaine, sauf l’arme nucléaire.

Lors du message télédiffusé, le président américain fait part de la crise et de l’embargo au public américain et menace l’Union soviétique de prendre des mesures additionnelles si les bases ne sont pas démantelées. Le public est maintenant informé de la crise. En effet, l’Union soviétique installe des missiles balistiques nucléaires à Cuba, menaçant les États-Unis et le Canada, plongeant ainsi la planète à l’orée d’une guerre nucléaire. En tant qu’un des dirigeants de l’OTAN, le Premier Ministre canadien John Diefenbaker est informé par John F. Kennedy du plan américain, peu de temps avant l’annonce publique. Au téléphone, en privé, Diefenbaker émet des doutes quant aux intentions des Soviétiques et demande à voir plus de preuves. Il conseille à Kennedy d’envoyer une délégation d’inspecteurs de l’ONU à Cuba pour vérifier l’état de la situation.

Diefenbaker n’apporte pas le soutien sans équivoque auquel s’attendait Kennedy. Dief est prudent et n’aime pas particulièrement Kennedy; outré que les États-Unis n’aient pas consulté plus tôt le Canada. Il hésite. La moitié de ses ministres sont indécis. Pris entre l’arbre et l’écorce - États-Unis au sud, l’URSS au nord - il prend 2 jours avant de mettre l’armée canadienne en état d’alerte maximum, ne voulant pas provoquer inutilement l’URRS, beaucoup plus puissante que le Canada. Ce délai envenime les relations entre le Canada et son principal allié et voisin les États-Unis. J’avais 12 ans et je me rappelle fort bien l’exercice en cas d'attaque nucléaire qui fut diffusé à la radio d’état à Montréal.

En fait c’est 2 jours plus tard, le 24 octobre que Diefenbaker autorise l’alerte maximum de l’armée canadienne et le déploiement de navires et d’avions de patrouille canadiens pour localiser les sous-marins soviétiques dans l’Atlantique-Nord. Au moment même où les navires soviétiques s’approchent du blocus américain et que d’autres membres de l’OTAN annoncent leur soutien à l’embargo. Le délai de la réponse canadienne reflétait un désir d’indépendance en matière de politique étrangère et une volonté de maintenir une position mesurée en situation de crise colossale. D’ailleurs, le Canada n’a jamais rompu ses relations diplomatiques et commerciales avec Cuba, tout comme en 2003, il n’a pas participé à la guerre d’Irak. Par contre dans les années 50, il a participé à la guerre de Corée.

Les sous-marins soviétiques atteignent la ligne du blocus en même temps que les navires militaires américains. Ils reçoivent de Moscou l'ordre de poursuivre leur route. Kennedy obtient le soutien du général de Gaule, président de la France, du Royaume-Uni et des autres membres de l'OTAN en cas de guerre contre l'URSS. Le soutien du Canada fut un peu tardif. Le 24 octobre, à 10 h, le blocus est en place. Pas moins de 30 cargos soviétiques sont en route pour Cuba. Parmi eux, 4 contiennent des missiles nucléaires dans leurs soultes. 2 d’entr’eux arrivent sur le blocus. À 10 h 25, les cargos arrêtent, Khrouchtchev juge inutile de rompre le blocus puisque les missiles déjà en place à Cuba suffisent.

Le 25, 12 cargos russes rebroussent chemin, les autres poursuivent leur route. La Marine militaire américaine manque l'interception du Bucarest et renonce à le poursuivre, puisqu'elle a la certitude qu'il ne transporte pas de matériel militaire. Le 26, une lettre secrète de Khrouchtchev propose une sortie de crise : Retirer les missiles contre la promesse américaine de ne pas envahir Cuba. La missive est apportée en russe à l'ambassade américaine de Moscou à 09H42 et parvient après traduction et cryptage, à 21H00 au département d'état américain. Un temps beaucoup trop long, vu l’envergure de la crise.

Toujours le 26, Khrouchtchev fait savoir à Kennedy, par le biais d'un homme d'affaires américain de retour aux États-Unis à la suite d'un voyage à Moscou, qu'il continuera son action, si les États-Unis veulent la guerre. Encore le 26, Un des sous-marins soviétiques est repéré par les Américains. La chasse est lancée. Ils repèreront 3 des 4 sous-marins, un ne le sera jamais (preuve à l’appui). Chacun possédait une torpille nucléaire.

Le 27, 09H09, un U-2 décolle d'Orlando (Floride) pour la 24e mission d’espionnage américaine au-dessus de Cuba depuis le début de la crise. Les radars russes le suivent. Il rejoint l'altitude de 22 000 mètres, a pour mission de photographier les déploiements cubains et soviétiques à proximité de la base américaine de Guantanamo et de découvrir en même temps les défenses aériennes soviétiques. Celles-ci comprennent notamment 24 rampes de lancement des redoutables missiles V-75 aussi appelés Sam-2, qui ont déjà abattu un U-2 américain au-dessus de l'URSS en 1960.

Fidel Castro est convaincu d'une invasion imminente et n'en peut plus de voir les appareils américains violer sans vergogne l'espace aérien cubain. Le général soviétique responsable de la défense anti-aérienne de Cuba, s'inquiète des photographies de missiles nucléaires tactiques que l'U-2 a vraisemblablement prises. "Notre invité est au-dessus de nous depuis plus d'une heure (...), il est en train de découvrir nos positions en profondeur", lâche-t-il. À 11H16, il considère prendre la seule décision possible. Il donne l'ordre: «Détruisez la cible 33». 3 minutes plus tard, 2 missiles V-75 percutent l'U-2. Une partie du fuselage contenant le corps du pilote est retrouvé dans un champ de canne à sucre. Les États-Unis et l’URSS glissent vers l'apocalypse nucléaire.

Quelques heures auparavant Khrouchtchev venait de faire une nouvelle proposition, publique cette fois-ci : Échanger les missiles à Cuba contre les missiles américains en Turquie. Kennedy était en pleine réunion avec ses principaux conseillers, étudiant la réponse à donner; lorsqu’il est informé à 14H03 que l'U-2 n°56-6676 n'est pas rentré. Les membres du comité sont maintenant moins préoccupés par le retrait des missiles de Cuba et se concentrent davantage sur la prévention d'une guerre nucléaire.

"C'est une sacrée escalade de leur part", observe le président américain d'après les enregistrements déclassifiés de la réunion. D’autant plus que 20 minutes auparavant on venait de lui annoncer, qu’un U-2 en mission au Pôle Nord s'était "égaré au-dessus de la Sibérie" et avait manqué par très peu d'être abattu par des MiG-21 lancés à sa poursuite. Les généraux américains, prêts à ordonner l'invasion de l'île, proposent de riposter par la destruction de toutes les défenses aériennes à Cuba. Kennedy n'ordonne toutefois pas de riposte et donne l'ordre de ne bombarder les sites de missiles qu'en cas de nouvelle agression. A Moscou à cause du décalage horaire, il fait nuit lorsque Khrouchtchev est informé de la perte de l'U-2. Il craint que son homologue ne parvienne pas à "avaler l'humiliation". S'il a bien autorisé la légitime défense, il n'a jamais ordonné de tirer sur un avion de reconnaissance.

Le 28 octobre au matin, une 2e lettre de Khrouchtchev, rédigée par le Politburo soviétique, laisse entendre qu'aucune négociation ne peut se faire. Le même jour, la CIA annonce que 24 missiles soviétiques sont désormais opérationnels et pointés sur des points précis du sol américain. Si les Soviétiques ne démantèlent pas leurs installations, les États-Unis lanceront éventuellement une attaque aérienne sur les sites de missiles.

Des 2 côtés, on comprend alors que la situation échappe de plus en plus à tout contrôle et que l'on s'approche dangereusement du point de non-retour. Aussi à 20H00, à l’initiative de l'ambassadeur soviétique Anatoli Dobrynine, qui utilise tous ses contacts pour arriver à ses fins, une rencontre entre lui et Robert Kennedy, ministre de la justice et frère du président américain, a lieu. Un compromis est alors trouvé par les 2 protagonistes et la crise prend fin. L'accord Robert Kennedy-Anatoli Dobrynine fut révélé par Robert Kennedy en 1968.

Khrouchtchev annonce sur Radio-Moscou qu'il donne l'ordre de démanteler les sites de missiles de Cuba, moyennant promesse des États-Unis de ne pas renverser le régime castriste par la force. Dans l’entente, les missiles américains en Turquie doivent aussi être démantelés. Mais à la demande des États-Unis, cette dernière clause est tenue secrète. Le 29 octobre, l'URSS stoppent ses navires restant, en route vers Cuba. Le premier novembre, le dernier des 4 sous-marins soviétiques est toujours introuvable. Le 7 novembre, Khrouchtchev accepte que les cargos à destination de Cuba soient inspectés par l'US Navy. Le 20 novembre, les Soviétiques démantèlent leurs bases. Par souci de cohérence, les Américains accordent plus que ce que Moscou leur demande. Par l’intermédiaire de Robert Kennedy, les États-Unis démantèlent leurs missiles de Turquie et aussi ceux d'Italie, le 7 avril 1963.

Le 20 juin 1963 - Pour prévenir la guerre déclenchée par erreur, Washington et Moscou adoptent l'idée d'un lien direct, soit le téléphone rouge, mis en place le 30 août. Il s'agit d'un téléscripteur de couleur bois clair, qui permet à Kennedy et Khrouchtchev de communiquer directement entre eux par messages codés. La ligne de communication directe, reliant la Maison-Blanche au Kremlin, permettra de désamorcer plusieurs conflits. Par la suite, d'autres lignes de communication directe sont installées entre divers pays : Inde-Pakistan (2004), Chine-États-Unis (2007), Corée du Nord-Corée du Sud (2018).

La crise des missiles de Cuba est aujourd’hui utilisée comme jeu de simulation pour former de grands spécialistes à la négociation. On considère aujourd’hui que la conclusion fut une réussite totale. Le retrait des missiles américains de Turquie fut révélé publiquement juste avant la mort de Khrouchtchev en 1971. Le retrait des missiles fut décidé par Khrouchtchev après engagement écrit de non-invasion de Cuba par le président Kennedy. Cette clause est vue aujourd'hui comme étant le point le plus important de la négociation et a servi d'accélérateur à la sortie de crise. 

À cette époque, si vos missiles étaient situés plus près de votre ennemi que les siens, vous aviez une longueur d'avance sur lui pour ce qui est de la première frappe. Marquant l'apogée de la Guerre froide, la crise des missiles laisse place à une autre phase, celle de la "Détente", où les relations sont moins tendues jusqu’en 1975.

 

Sources :

L’Encyclopédie canadienne : Crise des missiles à Cuba.

Michael Dobbs : "One minute to midnight".  

20 Minutes : Crise des missiles de Cuba: U-2 n°56-6676, l'avion-espion qui faillit précipiter l'apocalypse nucléaire, 12/10/12.

 

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