L'Ukraine selon Biden et Poutine

1623ukraineotanLes relations entre la Russie et l’OTAN se sont sérieusement dégradées, à un tel point que le dialogue officiel entre entre les deux a pris fin. Ils ne se parlent plus directement. Début octobre, l'OTAN a réduit de moitié la représentation russe auprès de l'organisme et a retiré l'accréditation de 8 diplomates russes, les accusant d'espionnage. De sorte que la Russie a complètement suspendu sa mission auprès de l'OTAN et à son tour, a suspendu la mission militaire de l'OTAN auprès de l'armée russe. 

Des photos satellites des services secrets américains démontrent que la Russie rassemble des troupes et du matériel à 4 endroits près de la frontière ukrainienne, dont en Crimée: 50 bataillons tactiques comptant 70000 hommes. Le nombre devrait augmenter à 175000 soldats. Les services secrets russes perçoivent eux aussi des complexes d’attaques sur le territoire ukrainien. Moscou se dit prêt à créer quelque chose de similaire; tout en exprimant sa confiance que le bon sens prévaudra chez les pays occidentaux. 

Le 7 décembre dernier, les Présidents russe et américain ont évoqué la situation au cours d'un entretien vidéo. Vladimir Poutine a promis à Joe Biden une rencontre, lorsque son interlocuteur lui a dit regretter de ne pas avoir pu le voir au sommet du G20. Un extrait de leur conversation a été diffusé lors d’une émission sur la chaîne russe Rossiya 1.

Le président russe se trouvait dans sa résidence de Sotchi, riche station balnéaire au bord de la mer Noire. Le président américain, quant à lui a participé à la conversation depuis la "Situation Room" de la Maison-Blanche, salle ultra-sécurisée fermée aux journalistes, d’où l’exécutif américain pilote les interventions militaires sensibles. Les échanges ont été ouverts et francs. On y voit M. Biden rencontré des difficultés techniques, oubliant apparemment d'ouvrir son micro.   

Vladimir Poutine a ouvert la conversation en russe : « Salutations, Monsieur le président ! », souriant, assis à une longue table, face à un écran sur lequel apparaissait son homologue. Il y a eu un silence à l'autre bout, puis on a vu M. Biden se pencher et peser sur un bouton. "Et voila" dit-il soudainement audible. "Bonjour', a-t-il ajouté en riant quelque peu et en saluant son homologue russe : « Il est bon de vous revoir ! ». Les deux présidents ont eu un échange à haut risque de 2 heures, sur la crainte d'une l’escalade militaire en Ukraine. Dmitri Peskov, secrétaire de presse de M. Poutine et le conseiller à la sécurité nationale de M. Biden, Jake Sullivan, ont transmis l'essentiel de la communication aux journalistes. 

L’Ukraine au cœur de l’entretien

M. Biden croyant dure comme fer que la volonté de la Russie est d'envahir l'Ukraine, a avertit M. Poutine, qu’en cas d’invasion de l'Ukraine par la Russie, cette dernière serait isolée financièrement. M. Poutine, lui a répondu que s'il pensait comme ça, c’était pour diaboliser davantage la Russie. 

Poutine : «La Russie a plus d’une fois indiqué qu’elle n’avait aucune intention d’envahir l’Ukraine et que ces déclarations ne sont qu’un prétexte pour l’OTAN d'avancer davantage vers l’est et concentrer de l'équipement militaire à la frontière russe. Le déploiement d'armes en Ukraine marque une ligne rouge, car cela représente une menace pour la sécurité de la Russie. L’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN est aussi une ligne rouge à ne pas franchir. Je vous demande des garanties sécuritaires aux frontières russes; soit un gel de la progression de l’OTAN vers l’Est. Votre intention de faire de l’Ukraine un tremplin pour confronter la Russie, cause une grave déstabilisation de l'Europe toute entière ». 

Joe Biden a réitéré son soutien à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de l'Ukraine et a appelé M. Poutine à une désescalade, en ayant recours à la diplomatie plutôt qu'à l'armée. Vladimir Poutine a rappelé que les troupes russes sont stationnées en Russie et ne menacent personne. Il a dit : "vous en parlez alors que vous êtes à 1.000 kilomètres de notre territoire. L’Europe est notre maison commune, alors que vous les Américains, vous vous trouvez outre-Atlantique". Évoquant les lignes rouges que Biden n'accepte pas, M. Poutine constate que c’est un désaccord très sérieux entre la Russie et les États-Unis.

Le porte-parole du Président Poutine, Dmitri Peskov, précise que l’heure d’un tête-à-tête en présentiel entre les deux hommes n’est pas encore venue. Selon lui : « Il est clair que lorsque deux présidents vont vers le dialogue, c’est qu’ils veulent débattre des problèmes et ne visent pas l’impasse; mais il ne faut pas s’attendre à des percées immédiates », prévient-il. « Poutine a dénoncé auprès de Biden le 'potentiel militaire' croissant de l'OTAN aux frontières russes. Il a demandé des garanties à Biden sur le non-élargissement de l'OTAN. M. Poutine a démenti tout projet d’invasion et a reproché à la Maison Blanche : l’activité accrue des pays de l’OTAN en mer Noire, la volonté ukrainienne de rejoindre l’OTAN et l’ambition de Kiev de s’armer auprès de l’Occident. La Russie n’a jamais eu l’intention d’attaquer qui que ce soit, mais nous avons des lignes rouges », assure M. Peskov. « Nous savons bien que la partie américaine a une dépendance aux sanctions », ironise-t-il. M. Poutine a fait part à M. Biden de l'attitude destructive de Kiev envers l'Est de l'Ukraine. C'est une erreur d'imputer à la Russie toute la responsabilité des tensions actuelles a dit M. Poutine à M. Biden.

Selon Sullivan : « Le président américain a exprimé la profonde préoccupation des États-Unis et de leurs alliés face à l’augmentation du nombre de soldats russes à la frontière ukrainienne. Biden n'a pas fait de concessions à Poutine, notamment sur une adhésion de l'Ukraine à l'OTAN. Joe Biden a fait savoir à Vladimir Poutine, que les États-Unis et leurs alliés répondront notamment par des mesures économiques fortes en cas d'escalade militaire en Ukraine ». M. Sullivan suggère que "North Stream 2" soit une monnaie d'échange pour dissuader la Russie d'envahir l'Ukraine. M. Biden a réaffirmé son soutien à l'intégrité territoriale et à la souveraineté de l'Ukraine, appelant à la désescalade et au retour à la voie diplomatique entre Moscou et Kiev. »  

De poursuivre M. Sullivan : « Les États-Unis sont prêts à déployer davantage de soldats dans les pays de l'OTAN, si la Russie envahissait l'Ukraine : - Je vais vous regarder dans les yeux et vous dire, alors que le président Biden a regardé le président Poutine dans les yeux et lui a dit aujourd'hui que des choses que nous avons pas faites en 2014 (lors de l'annexion de la Crimée et de la sécession du Donbass), nous sommes prêts à le faire maintenant. Nous préférerions communiquer cela directement aux Russes, de manière assez détaillée, les types de mesure que nous avons en tête."

Les deux hommes ne sont tombés d'accord que pour poursuivre le dialogue. Ils ont donc convenu de nommer des représentants, qui poursuivront une conversation concrète sur la situation conflictuelle autour de l'Ukraine. Une fois que ces représentants auront fait leur travail, les deux présidents se rencontreront de nouveau par vidéoconférence. Pendant cet entretien virtuel de deux heures, les deux dirigeants ont aussi évoqué la stabilité stratégique, la cybersécurité, les piratages informatiques, le contrôle des armements nucléaires, le nucléaire iranien et l'Iran. 

L’Union Européenne soutient les États-Unis. Elle est prête à adopter des sanctions supplémentaires contre la Russie, prévient la présidente de la Commission européenne, pendant que la Chine regarde attentivement ce qui se passe et ce qui se passera. Pour sa part M. Kouleba, ministre ukrainien des affaires extérieures, exhorte ses alliés occidentaux à ne signer aucun accord en ce sens. 

M. Blinken conseiller adjoint è la sécurité nationale du président Biden déclare : « Il n'est pas clair si le président Poutine a choisi d'envahir l'Ukraine, mais nous savons qu'il met en place la capacité de le faire dans les plus brefs délais, s'il en décide ainsi, le meilleur moyen d'éviter une crise et une spirale négative dans les relations au sens large, passe par la diplomatie et la désescalade ». 

M. Biden, recevant début septembre le président ukrainien M. Zelensky à la Maison Blanche, lui avait promis de soutenir la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine face à la Russie, mais ne s’était guère avancé sur le sujet brûlant d’une adhésion à l’OTAN. Selon un haut responsable américain, il a proposé à huis clos de réunir des experts américains et russes pour établir une feuille de route et parvenir ainsi au respect de toutes les parties impliquées. C'est ce qu'il a fait avec M. Poutine aussi. La porte-parole de la Maison Blanche Mme Psaki affirme : « Il y a une série d’outils à notre disposition. Bien sûr, des sanctions économiques sont une option ». Mais, elle n’a pas répondu à la question sur d’éventuelles actions militaires américaines. Le porte-parole du Pentagone, M. Semelroth : « Washington soutient une nouvelle désescalade et une solution diplomatique au conflit ». 

Le Kremlin quant à lui, n'est plus orienté vers le compromis, mais définit maintenant ses lignes rouges le long des frontières de tous ses intérêts. La Russie veut des garanties fiables et à long terme pour sa sécurité. Elle insiste sur des accords qui interdisent toute nouvelle mesure de l'OTAN à l'Est et le déploiement de systèmes d'armes, qui la menacent à proximité immédiate de son territoire. Pour Moscou, le risque d'un conflit armé dans le sud-est de l'Ukraine est extrêmement élevé, car l'Ukraine a repris ses attaques d'artillerie sur le Donbass. Avec l'aide de la force militaire, M. Poutine veut démontrer qu'il ne sert à rien de faire pression sur la Russie. Il se dit aussi préoccupé par le déploiement de missiles de l'OTAN sur le territoire ukrainien, qui pourraient atteindre Moscou en 10 minutes. 

Le 15 novembre dernier, Vladimir Poutine a signé un décret ouvrant le marché russe aux marchandises produites par les républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk. Kiev considère cela comme une nouvelle phase dans la guerre menée par Moscou contre l’Ukraine. Ce décret, pour les dirigeants du Donbass, concrétise que la séparation de la région prorusse est de plus en plus irréversible.

Pour parvenir à la solution du conflit, Russes et Américains doivent respecter la réalité : soit le respect du choix de la Crimée de faire parti de la Russie, le respect du choix du Donbass d'être indépendant de l'Ukraine, tout comme le respect du choix de l'Ukraine d'être indépendant de la Russie.  

 

Sources : 

Sputnik : Lignes rouges et diplomatie: ce que Poutine et Biden se sont dit en visio, 12/12/21

Internewscast (États-Unis) : Jake Sullivan dit que les États-Unis sont prêts à déployer plus de troupes si la Russie envahit l'Ukraine, 07/12/21

La Presse (Montréal) : En cas d’escalade militaire en Ukraine Biden avertit Poutine que la Russie subirait de « fortes sanctions », 07/12/21

Sputnik (Russie) : Biden avertit Poutine que la Russie subira de "lourdes sanctions" en cas d'escalade en Ukraine. 07/12/21.

Sputnik :  Moscou exhorte Washington à ne pas rejeter la responsabilité des tensions en Ukraine sur la Russie de Dmetri Bassenko, 07/12/21

Bayl.eu  (Europe) : Biden dit qu’il « n’accepte les lignes rouges de personne » à la suite des avertissements de la Russie contre la militarisation de l’Ukraine par l’OTAN, 04/12/21

Washington Post : Les services secrets américains découvrent que la Russie prépare une offensive en Ukraine, 04/12/21 

Avia.pro (Russie) : 500 combattants des forces aérospatiales russes sont prêts à détruire les forces armées ukrainiennes en 30 minutes, 04/12/21

La Presse (Montréal) : L’Ukraine rejette toute « garantie » donnée à Moscou, 03/12/21

Tagsschau (Allemagne) : Quel est le but du déploiement des troupes de Moscou, 02/12/21 

 

 

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